Le cohabitat fait des petits au Québec malgré les obstacles

Une rébellion douce s’organise lentement dans le monde de l’habitation contre la spéculation immobilière et l’atomisation des communautés. Dans cette « troisième voie » qui a germé au Danemark il y a 60 ans, chaque ménage possède sa résidence privée, mais tous jouissent aussi d’espaces communs, qui favorisent la rencontre. Contrairement à la copropriété traditionnelle, le cohabitat encourage la collectivisation des biens et des tâches pour créer des voisinages solidaires. Le deuxième cohabitat de la province voit tranquillement le jour à Neuville, un village rural un peu à l’ouest de Québec. Dix ménages y habitent et deux autres sont attendus dans les prochains mois. Seul, aucun ménage n’aurait pu s’offrir cette terre idyllique. Ensemble, toutefois, l’inatteignable devenait accessible. Chaque propriétaire acquis une partie du domaine pour 120 000 $ avant d’y bâtir sa maison, pour un total d'entre 300 000 $ et 400 000 $ pour s’implanter au domaine. «Nous vivons dans des villes où nous connaissons à peine nos voisins. [...] Nous, nous voulions sortir de l’individualisme pour retrouver un peu l’esprit de village qui encourageait, autrefois, la vie de communauté. » - Hélène Filteau, instigatrice du projet avec son conjoint, Jean Nolet Cohabitat Neuville compte présentement 30 personnes, 22 adultes et 8 enfants. Un groupe s’occupe du jardin, l’autre d’amuser les plus jeunes. Si quelqu’un préfère déneiger, un autre s’affaire à mijoter des repas. Les enfants ne pourraient pas demander mieux, selon Hélène Filteau, entre les copains qui se trouvent à la porte d’à côté, la vingtaine d’adultes qui veillent sur eux et leur immense terrain de jeu. « La mise en commun des ressources fait aussi économiser beaucoup d’argent. Autrefois, l’entraide faisait des miracles : maintenant, il faut payer pour l’aide aux devoirs, payer pour la garde des enfants, payer pour s’offrir un plombier, etc. » — Gabrielle Anctil, autrice de « Loger à la même adresse » L’établissement de cohabitat se révèle encore complexe ici. Ce modèle d’habitation effraie les institutions bancaires : seule la caisse d’économie solidaire accepte, pour le moment, de les financer. Tout projet de cohabitat exige aussi de réunir une somme importante . Pour Cohabitat Neuville, Jean Nolet et Hélène Filteau ont dû investir les économies d’une vie pour acheter le terrain dans l’espoir que d’autres ménages viendraient. Le mouvement gagne lentement du terrain au Québec. À Frelighsburg, le Nidazo prend forme. À Montréal, la construction d’un premier cohabitat doit débuter cet été à Lachine.