Avec les quartiers de poche, pas de quartier pour l’individualisme

La science le répète: le tout-à-l’auto et l’expansion continuelle des banlieues et des villes mènent le climat droit dans le mur. À son opposé, ou presque, se trouvent les quartiers de poche (« pocket neighborhoods ») un concept né sur la côte ouest américaine au milieu des années 1990. Entre 8 et 12 maisons sont installées autour d’un terrain commun. Devant chacune s’étale une petite cour personnelle ouverte vers le parc partagé. C’est là que les enfants jouent, que les pique-niques s’organisent, que les voisins placotent. « Lorsque vous êtes assis autour d’une table pour manger, vous finissez forcément par parler à vos voisins et par tisser des liens avec eux. Mon modèle reproduit ce phénomène, mais à l’échelle urbaine. Les maisons gravitent autour d’un espace partagé, où les conversations surgissent et où les liens se tissent. » - Ross Chapin, l’architecte à l’origine des quartiers de poche L’esprit communautaire qui prévaut dans ces quartiers de poche décourage le chacun pour soi et encourage la collectivisation des services. Fini, le voisinage où tout le monde possède sa piscine, sa tondeuse, son cabanon, sa chambre d’amis, etc. Et le concept a fait un petit au Québec : le Petit Quartier doit voir le jour près du centre-ville de Sherbrooke pour Noël 2023 et se composera de 73 maisons de petite taille, toutes disposées autour d’espaces communs. À l’heure où l’accès à la propriété échappe de plus en plus aux moins nantis, le Petit Quartier propose ses maisons à 75 % du prix du marché. « Ici, ce n’est pas la capacité de payer qui déterminera l’accès à la propriété ; c’est la capacité de vivre en communauté. » Les voitures occuperont l’arrière-scène et devront entrer dans 108 places, et un boisé de 5,6 ha est prévu. Le vivre-ensemble s’orientera sur le partage des biens, des lieux et des responsabilités. Malgré l’attente, l’intérêt demeure vif pour ce projet rêvé depuis 2016 : une quarantaine de logements ont déjà trouvé preneur et « beaucoup de gens écoutent à la porte » en attendant le démarrage de cette initiative. « Chacun peut désormais se connecter à des millions de personnes sans même connaître son voisin. C’est dangereux pour la démocratie, qui repose sur notre capacité d’écouter et de respecter des points de vue divergents. Il faut que notre urbanisme contribue à briser l’isolement et à créer le dialogue. » - Ross Chapin